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L'auteur Pierre Magne de la Croix

Pasteur, vice-président de l'UEPAL, président de l'Église protestante réformée d'Alsace et de Lorraine

Thème de la réflexion : Bible

Un passage entre deux temps

La nouvelle année est un passage, une lutte entre ce qui est derrière et ce qui attend demain, telle la lutte de Jacob (Genèse 32, 23-32).

Janvier est le mois des vœux qui sont comme nos bonnes vieilles bénédictions : une parole bienveillante pour nos proches, une parole offerte entre deux temps, entre ce qui est désormais passé et l’année à venir. Et si l’on souhaite le meilleur c’est parce que les temps à venir sont aussi la prolongation des courbes de notre histoire et nous savons que l’on recommence jamais à zéro !

Un récit biblique me parle particulièrement d’un tel passage entre deux temps, comme entre deux années : la lutte de Jacob contre un autre, de nuit, au moment de traverser un gué (Genèse 32, 23-32) :

Ce passage est une nuit de lutte entre ce qui est derrière et ce qui attend demain : le temps semble s’arrêter, la vie semble basculer. Et l’obscurité de la nuit est parfois le reflet de l’obscurité de certains temps de la vie.

Il faut alors affronter un adversaire dans la nuit, traverser des moments de désespoir, vivre des périodes de doutes ou de révoltes, contre un destin sans visage.

De ce passage de nuit avec Jacob nous garderons 3 marques :

1. une blessure ! La hanche déboîtée sera comme la trace d’une lutte dans la vie : on n’efface pas la lutte, on n’oublie pas la souffrance, on ne gomme pas les échecs. On garde une marque du vécu, une trace qui nous rappelle aussi que nous avons surmonté, dépassé ce combat. Blessure dans le corps ou dans l’’âme, dans ce qui fait de nous des humains.

2. La 2e marque est le changement de nom de Jacob : sa vie, sa lutte transforme son nom, modifie son identité ! Jacob est devenu celui qui lutte contre Dieu ou avec Dieu : Israël. Il est comme un marcheur, à la fin d’une journée, fatigué, avec des ampoules. Certains d’entre vous ont vécu des temps tellement forts que le nom, ou le prénom, ou le petit nom de telle ou telle connaissance restera à vie dans la mémoire, Comme un nom qui marque notre vie.

3. La 3e marque est cette bénédiction. Bénir, c’est dire une bienveillance, c’est placer la vie de quelqu’un sous le signe d’une parole qui le rend heureux, qui lui donne un avenir, le libère et le porte. L’autre, l’adversaire bénit Jacob. Après avoir lutté contre lui, il lui souhaite d’être heureux et de marcher libre et confiant. Combien de fois n’avons-nous pas reçu ou donné de telles paroles qui accompagnent, qui soutiennent, qui disent : tiens bon, continue de marcher, je pense à toi, tu n’es pas seul dans ta barque, je te fais confiance

Et l’adversaire devient partenaire comme dans cette interprétation de Rembrandt (1606–1669) : les deux ont lutté l’un contre l’autre, l’un avec l’autre et finalement : l’un pour l’autre ? La lutte semble se transformer en danse, en attention, en embrassade en portage de l’un-e par l’autre.

 

Rembrandt. Lutte de Jacob avec l'ange (1659). Gemäldegalerie, Berlin

 

Alors, tous les vœux de l’UEPAL pour 2025 :
En ces temps plutôt sombres souvent faits de blanc ou de noir, de simplifications réductrices, il nous faut un peu puiser profond, en confiance et en spiritualité, pour tracer un chemin de nuances et d’espérance.
Avec tous mes vœux :
– en encouragement face aux difficultés à venir,
en sagesse pour l’intelligence et le discernement de l’essentiel,
en cheminement pour recevoir à nouveau la confiance et la bienveillance de Dieu

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