Retour aux réflexions

L'auteur Pierre Magne de la Croix

Pasteur, vice-président de l'UEPAL, président de l'Église protestante réformée d'Alsace et de Lorraine

Thème de la réflexion : Politique

Rentrée 2024

« Confiance, engagement, compromis » s’invitent pour notre rentrée 2024

1. La confiance

Nous vivons d’une confiance reçue et partagée. Cette confiance qui nous précède n’est pas grandie par nos réussites, elle n’est pas ruinée par nos échecs. Et puisque ma propre vie est digne d’une telle confiance de la part de Dieu, de la part de mes mères et pères, alors même que je n’y suis pour rien, il en va de même pour toute autre vie.

Autrement dit, Dieu ne vient pas à moi en faisant l’économie de l’autre. Il n’y a pas de vie sans tenir compte des autres. Mon humanité passe par l’autre.

C’est pourquoi notre protestantisme cultive la rencontre : on lui reconnait un esprit d’ouverture, une capacité de dialoguer avec la culture contemporaine, une éthique construite qui articule une liberté de parole avec des apports critiques, un sens des responsabilités, des propositions pragmatiques. Notre protestantisme est perçu comme non clérical, peu attaché à la célébration de mystères ou de vérités à défendre, mais comme une tradition soucieuse de la vie humaine, de la justice ; un protestantisme du coup engagé dans l’action éducative, sociale et culturelle.

Restons fiers et humbles : fiers de ce que nous sommes, de ce que nous avons reçu et humble lorsque nous voyons les erreurs et les fragilités. On dit aussi, classiquement, que les protestants sont des anarchistes qui respectent les feux rouges ou qui traversent sur les clous : toujours à protester, contester, critiquer, remettre en question et en même temps dans le grand respect des règles de vie commune pour faire attention aux plus fragiles, aux plus petits et permettre la vie collective : car si tout est donné, tout reste à faire pour le vivre !

D’où mon second sujet :

 

2. L’engagement public

En ces temps, il est important de rappeler notre profonde reconnaissance, notre attachement et notre confiance en la République française, son État de droit, sa déclaration des droits de l’homme, ses fondements et engagements humanistes, sociaux, laïcs, européens, sa protection de la liberté et de la dignité de tout être humain, son soutien aux cultes dans le respect des lois et de l’ordre public.

Avec les autres cultes, le protestantisme peut alors aussi poser des paroles sur des questions sensibles comme le respect et l’accueil des migrants, la crise écologique, le souci de la justice.

Et je rappelle qu’il n’y a pas de « bloc des religions » contre la société : en tant que protestants nous avons à faire entendre notre voix particulières et dissonantes sur :

  • la place de la femme, à entière égalité de droit et de fonctions
  • la reconnaissance des couples de même sexe, des couples divorcés
  • notre rapport à la Loi française qui s’impose aux règles d’Églises, notamment sur les questions d’argent et de violences sexuelles
  • l’importance que nous accordons à la conscience et à la responsabilité individuelle sur les questions éthiques de la vie : nous défendons la Loi sur l’IVG, nous approuvons tout en la questionnant la Loi Léonetti-Claeys sur la fin de vie et les directives anticipées

Coutumiers d’un plaidoyer sur la paix et la réconciliation, il nous faut intégrer ou réintégrer dans nos approches la référence au droit et l’exigence de la justice et de la vérité.

Mais restons humbles ! Suite à l’attaque terroriste du 7 octobre et aux prises d’otages, suite à la guerre à Gaza qui massacre les populations et l’avenir des gens, nos religions – notamment en Alsace-Moselle, notamment notre protestantisme – ont été secouées

Fiers et humbles.

3. Le compromis

Depuis les législatives, notre pays redécouvrirait deux pratiques bien protestantes : l’alliance et le compromis ! Nos sœurs et frères allemands savent les cultiver, ce qui nécessite parfois plusieurs mois pour constituer un gouvernement … d’alliances et de compromis !

Le compromis loin d’être une idée faible est au contraire une idée extrêmement forte. S’il y a une méfiance vis-à-vis du compromis c’est qu’il est souvent confondu avec la compromission qui mélange les valeurs et suggère un arrangement suspect avec ses principes. Le compromis relève d’un accord avec des concessions réciproques, Dans le compromis chacun reste à sa place, personne n’est dépouillé de ses valeurs. « Dans le compromis on a le droit d’être nuancé et pourquoi pas de trouver des vertus aux autres.

Le philosophe Jankélévitch dit de la démocratie qu’elle est « l’art de gérer les désaccords de manière civilisée ».

Et je termine avec une parole du théologien protestant Olivier Abel qui écrit : « le couple est la gestion courtoise des différents » : car c’est bien dans le couple que se cultivent non seulement l’alliance entre deux personnes différentes mais ce compromis permanent !

C’est aussi une parole pour notre Union d’Église, notre philosophie d’action et la représentation de notre protestantisme.

Fiers et humbles.

© canva.com

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