Il y a quelques semaines, l’Alliance Biblique Française (ABF) publiait une enquête sur le lien des Français avec la Bible : intérêt, connaissance, lecture,… Réalisée par l’IFOP, en partenariat avec le journal La Croix, cette étude fait suite aux sondages réalisé en 2001 et 2010 et permet donc de mesurer l’évolution dans le temps de la place de la Bible dans la vie des Français. Les résultats sont consternants : en 20 ans, la proportion de Français possédant une Bible est passée de 42 % à 27 % et ceux qui la lisent de 28 à 19 % ! Plus inquiétant, 20 % de nos compatriotes ne connaissent rien de l’histoire de Marie, Joseph et la naissance de Jésus, ni de l’arche de Noé et du déluge, ni de la mort et de la résurrection de Jésus : en 10 ans, ce pourcentage a doublé ! Dans leur sécheresse, ces chiffres confirment le recul de la pratique religieuse observée depuis une cinquantaine d’années, avec une accélération dans les 20 dernières années. Ils confirment aussi que les références culturelles chrétiennes qui ont marqué l’Europe durant des siècles s’effacent à vive allure.
En ces temps de vacances, je passe quotidiennement, sur le chemin entre mon bureau et mon domicile, devant la cathédrale de Strasbourg : une queue impressionnante se forme tous les jours pour la visite de l’extraordinaire monument. Que viennent chercher ces milliers de visiteurs ? Un contact avec le divin, une émotion esthétique, une découverte culturelle, une expérience spectaculaire ? Peut-être simplement un peu de fraîcheur en ces temps de canicule ?
Quel est alors le lien entre ces deux réalités : une désaffection croissante envers le « religieux » (pratique cultuelle et fréquentation de la Bible) et un intérêt qui ne faiblit pas pour les « lieux religieux » (cathédrales, églises, monastères) ? Il y a sans doute quelque chose du « vase communicant » dans ce double phénomène : les clés qu’on a perdues (ou jetées) pour chercher le sens de la vie à travers une pratique religieuse, on les recherche à travers un contact émotionnel librement choisi (visites dans les églises ou les musées). C’est sans doute l’une des caractéristiques de la société dite « liquide » dans laquelle nous vivons, où l’on déserte le « solide » des institutions politiques ou religieuses au profit d’expériences « liquides » qui répondent aux attentes individuelles.
Être Église dans ce contexte demande une forte capacité d’adaptation. S’il ne s’agit pas de se débarrasser de nos modes de transmission et d’organisation traditionnels, il nous faut clairement placer les priorités sur les attentes de nos contemporains : si nous voulons faire de l’évangélisation un objectif central, comme l’Assemblée de l’UEPAL en a décidé, nous devons devenir une « Église liquide », c’est-à-dire un outil au service de la mission que Dieu nous confie, qui s’adapte et ne reste pas figée dans sa compréhension traditionnelle de la vie communautaire. Il ne s’agit pas de brader le message du salut en Jésus-Christ ou de l’adapter à ce que les gens veulent entendre, mais d’en témoigner d’une manière qui le rende accessible à nos contemporains.
À propos du défi pour devenir une « Église liquide », souvenons-nous que nous sommes les serviteurs d’un Christ que j’oserais qualifier lui-même de « liquide » : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. » Jean 4,14