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L'auteur Pierre Magne de la Croix

Pasteur, vice-président de l'UEPAL, président de l'Église protestante réformée d'Alsace et de Lorraine

Thème de la réflexion : Bible

Dieu à l’image d’une mère…

« … Et je prendrai soin de vous comme une mère le fait pour l’enfant qu’elle allaite… »

Ésaïe 66, 13

Déjà le prophète Ésaïe, bien avant notre Noël, utilise cette image de la mère qui enfante pour dire une parole dans des temps difficiles :

 

Dieu à l’image d’une mère qui enfante : protestation !

Protestation car le temps est dur : il y a des méchants, et les souffrances des gens sont quotidiennes. La parole d’Ésaïe est alors d’abord avertissement, protestation voire colère : ils tuent, ils mentent, ils humilient ! Et c’est dans ces temps difficiles que Dieu, par Ésaïe, parle de naissance, d’un enfant qui vient au monde, d’une mère qui accouche, et qui allaite, et qui console et qui porte !

Rappelons toujours avec Hannah Arendt qu’une naissance est à la fois contestation de ce monde et lutte pour le transformer, à la fois protestation et confiance :

« le miracle qui sauve le monde, c’est finalement la naissance dans laquelle s’enracine fondamentalement la faculté d’agir. En d’autres termes : c’est la naissance d’hommes nouveaux, le fait qu’ils commencent à nouveau, l’action dont ils sont capables par droit de naissance. L’expérience de cette capacité à commencer du nouveau donne aux affaires humaines la confiance et l’espérance, ces deux caractéristiques essentielles de la vie. L’expression la plus simple de cette confiance et de cette action se trouve dans la parole de l’Évangile qui dit : un enfant nous est né ».

 

Dieu à l’image d’une mère qui réconforte : confiance !

Une mère qui porte et réconforte son enfant, c’est l’expérience de la confiance : la personne qui me porte ne va ni me lâcher ni me laisser tomber, au sens propre et figuré. Je pense aux cris de joie de l’enfant lorsque la mère, ou le père, le lance en l’air et le rattrape dans ses bras pour le porter et le réconforter après la « peur » d’avoir été lâché, détaché, loin des bras qui portent et réconfortent ! Ces cris de joies sont des cris de confiance : je sais que je vais être porté, rattrapé, réconforté ! On ne peut lancer un adulte en l’air et le rattraper, mais prendre dans ses bras, réconforter ; c’est l’expérience de celui qui se sait porté, pris en compte, dans une situation de fragilité, de faiblesse : ce portage et ce réconfort vont consoler et redonner confiance.

 

Dieu à l’image d’une mère : changement de langage !

Comment parler de Dieu si ce n’est avec des images humaines : un père, une mère, un frère, une sœur … car c’est en déployant toute la richesse symbolique du langage que l’on peut s’approcher d’une vérité qui nous échappe !

Dieu prend alors aussi des attributs féminins, et ce depuis la Genèse ( …Dieu le créa à son image, mâle et femelle …) jusqu’à ce sentiment maternel du « père ému de tendresse » de la parabole du fils prodigue (Luc 15), que Rembrandt a mis en image en représentant le « père » avec une main d’homme et une main de femme !

Cela nous invite aussi à revisiter ce qui est de l’ordre du masculin et du féminin chez nous :

  • d’une part recevoir cet éclairage critique sur nos façons d’être, homme ou femme, et nous rappeler que, par exemple, la tendresse peut être également une caractéristique masculine, et à l’inverse l’autorité peut être exercée par une femme.
  • d’autre part, cela pointe de manière critique les images dominantes de Dieu dans les religions et même dans la Bible. Dieu n’est pas que colère, puissance ou force, il est aussi proximité, douceur, réconfort !

Que ce temps de Noël, cette respiration de Noël nous porte dans la protestation, la confiance et la parole nouvelle : « un enfant nous est né » (Ésaïe 9,6)

C’est comme si, par cette naissance, Dieu entrait dans la famille humaine pour nous faire entrer dans la famille de Dieu.

 

Photo Dawid Zawiła / Unsplash

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