Du 8 au 11 mars, la faculté de théologie protestante de Debrecen en Hongrie a accueilli le conseil de la Communion des Eglises Protestantes en Europe (CEPE) suivi d’un colloque organisé à l’occasion des 50 ans de la Concorde de Leuenberg, base théologique de la communion entre luthériens, réformés et méthodistes d’Europe. Pays de 10 millions d’habitants, la Hongrie a connu une histoire mouvementée, aux confins des empires austro-hongrois et ottoman. Les protestants représentent environ 15 % de la population (12% de réformés et 3 % de luthériens)
Le conseil a été consacré pour l´essentiel à faire le point sur les processus de travail en cours et à préparer l’assemblée générale de Sibiu en Roumanie en août 2024, sur le thème « Dans la lumière du Christ – appelés à l’espérance ». Beaucoup de travaux, engagés sur la base du mandat confié par l´assemblée générale de Bâle en 2018, ont bien progressé, malgré les difficultés de collaboration durant la pandémie. Ainsi du travail sur les pratiques de la Sainte Cène, reposant sur une enquête auprès des Eglises membres, de l’étude sur « Le discours chrétien sur Dieu » et celle sur « Genre et sexualité ». Ces documents seront prêts à être adoptés ou reçus par l´assemblée de 2024. D’autres travaux en revanche, comme celui concernant les pratiques de l´ordination, ne seront pas achevés à temps. Le constat a été fait que l´assemblée de Bâle a manqué de réalisme en « chargeant la barque » au-delà de ce qui était raisonnable pour une petite structure de coordination comme celle dont dispose la CEPE à Vienne. Cela n’enlève rien à l´originalité et à la richesse de la CEPE, qui reposent sur la participation et la contribution directe des Eglises membres. Ainsi, plusieurs représentants de l´UEPAL ont contribué aux réflexions sur la Sainte Cène et à la question du genre et de la sexualité.
Le symposium académique qui a suivi le conseil a mis en lumière les acquis de 50 ans de Concorde de Leuenberg. Les 5 premières décennies ont permis de rallier à la communion un nombre croissant d’Eglises protestantes (95 Eglises membres représentant 37 millions de protestants en 2022), et de réaliser de remarquables avancées sur les questions théologiques grâce à la méthode du « consensus différencié ». Mais les enjeux sont désormais davantage les défis des nouveaux mouvements religieux, notamment pentecôtistes, et les questions éthiques ou politiques, dans un contexte de plus en plus incertain. On peut avoir le sentiment que la célèbre formule du mouvement œcuménique « la doctrine divise, la pratique unit » est désormais inversée au sein de la CEPE : la doctrine unit, la pratique divise…Les Églises de la CEPE seront-elles en mesure de développer une méthodologie leur permettant de surmonter leurs divergences en matière éthique ou politique ? Dans une perspective protestante, les questions éthiques ne sauraient être détachées des fondements théologiques, sous peine d´être réduites à un moralisme. Mais la théologie ne peut pas non plus se cantonner dans la « sphère religieuse », sous peine de perdre toute pertinence dans le témoignage public d´un Évangile libérateur. A Debrecen, une forte participation d´étudiants a par ailleurs montré que la Concorde de Leuenberg suscitait un grand intérêt parmi les jeunes théologiens.
Le contexte hongrois dans lequel nous étions accueillis a permis de mesurer concrètement le poids de l’histoire et de la culture dans le profil des Eglises protestantes en Europe. Ainsi l’Eglise réformée de Hongrie fait-elle preuve d’un dynamisme certain, tout en ne cachant pas son fort attachement à l’identité nationale. Le président des évêques réformés, l’évêque Szoltan Balog, a été durant 6 ans ministre du gouvernement Orban. La minorité luthérienne pâtit de sa composition multiple : hongrois, slovaques et allemands. Un mariage entre luthériens et réformés est toujours qualifié de « mariage mixte »…Bref, la Concorde de Leuenberg a encore des marges de progrès…
