1 juillet 2024

Assemblée de l’Union

Message du Président Christian Albecker

Chères sœurs et frères,

Cette assemblée est la dernière à laquelle j’ai l’honneur et plaisir de m’adresser en tant que président. Ce n’est donc pas sans émotion que je prends la parole ce matin, émotion encore renforcée par la situation très particulière que nous vivons en ce moment. Je vous propose donc de commencer par un regard sur l’actualité avant de partager avec vous un survol de mes 10 années de présidence.

1. L’actualité politique de notre pays et la situation internationale

Vous le savez, nous avons décidé de limiter notre assemblée à une journée, pour permettre à toutes et à tous de voter demain, à un moment où l’avenir de notre pays risque de prendre une orientation qui suscite une grande inquiétude. Le Conseil de l’UEPAL a décidé de publier une déclaration qui a été finalisée par la Commission des Affaires Sociales, Politiques et Économiques (CASPE) de l’UEPAL. Nous connaissons les limites d’un tel texte, invariablement critiqué par celles et ceux qui le trouvent soit insuffisant, soit excessif, et nous savons qu’il n’aura pas ou peu d’effets sur le choix des électeurs. Là n’était pas notre intention, mais nous avons estimé qu’une prise de parole de l’UEPAL appelant au recul, à la réflexion et au dialogue était nécessaire, dans un contexte où le rejet d’un système politico-économique devenu incompréhensible conduit à une fracture croissante entre les élites et la base, tentée alors de manière plus émotionnelle que rationnelle par les extrêmes. Le journaliste et Député européen Bernard Guetta qualifiait cette tendance que l’on observe dans une grande partie de l’Europe et du monde de « trumpisme », c’est-à-dire la prime à des dirigeants dont le parcours et le passif, non seulement ne constituent pas un obstacle à leur accession au pouvoir, mais jouent en leur faveur en les désignant comme victimes du système, sortes de Robins des bois maléfiques des temps modernes.

Prendre du recul, inviter à réfléchir et à dialoguer, c’est ce que beaucoup de nos pasteurs et paroisses ont essayé de faire depuis 30 ans, en particulier à travers le mouvement « Comprendre et s’engager », pour réagir à la montée inexorable de l’extrême droite, apparemment sans grand succès. Mais notre vocation de chrétiens est-elle de chercher le succès, en particulier dans le domaine politique ? Si tel était le cas, nous ne serions plus les disciples de Jésus qui, invité à prendre le pouvoir, a rappelé que son Royaume n’était pas de ce monde. Notre vocation est de témoigner qu’un autre monde est possible, un monde de justice, de paix et de respect de toute la création, en posant des signes dans ce sens. Cela ne signifie en rien se réfugier dans le confort spirituel de nos cercles d’Églises chaleureux : Jésus a aussi renversé la table et manié le fouet quand c’était nécessaire, mais c’était pour éveiller les consciences et non pour prendre le pouvoir. J’avais placé mon mandat sous le mot d’ordre de « vigilance et espérance », qui me semble plus actuel que jamais : vigilance pour dénoncer l’inacceptable, espérance pour rendre compte de notre vocation. Quel que soit le résultat des élections – et j’espère de tout cœur qu’il confiera les clés de notre pays à des personnes responsables et non à des illusionnistes qui risquent nous conduire au chaos – nous serons invités à poursuivre notre témoignage, même s’il peut nous en coûter. L’Évangile n’annonce pas une grâce à bon marché : suivre le Christ a un prix.

Notre situation nationale est aussi fortement marquée par le contexte international, en particulier le conflit israélo-palestinien à Gaza. Tout a été dit sur le sujet, et je pourrais relire maintenant mon message de la dernière assemblée du 19 novembre 2023. Deux statistiques macabres n’ont cependant malheureusement pas cessé de s’accroître : la recrudescence des actes antisémites dans notre pays, et le nombre des victimes de la répression israélienne à Gaza.
Au sujet de l’antisémitisme, son affirmation scandaleusement décomplexée aboutit de plus en plus souvent au passage à l’acte, comme le récent viol à caractère antisémite d’une fillette de 12 ans l’a encore montré tragiquement. Sur le plan politique, on assiste depuis quelques années en France à un renversement des fronts, le RN se voulant désormais le champion de la lutte contre l’antisémitisme véhiculé selon lui par les « islamo-gauchistes ». Ce parti oublie simplement que parmi ses fondateurs figuraient des antisémites notoires et des tenants du complot juif mondial. De la même manière, les dérapages verbaux antisémites de certains dirigeants d’extrême-gauche alimentent une polémique où l’anathème a remplacé la recherche du dialogue. Nous devons bien sûr continuer à dénoncer avec la plus grande énergie l’antisémitisme sous toutes ses formes, même celles qui semblent les plus banales, pour que nos compatriotes juifs puissent vivre en paix et en sécurité dans notre pays.

Concernant la guerre à Gaza, les chiffres sont effrayants : selon l’UNICEF, 14 100 enfants auraient été tués sur les 37 400 victimes de cette guerre inhumaine, condamnée par de plus en plus d’États et d’organisations internationales. Dénoncer cela, comme il faut dénoncer les milliers d’enfants ukrainiens enlevés par les Russes, ce n’est pas faire preuve d’antisémitisme ou d’antisionisme. C’est d’abord demander que l’État d’Israël respecte les règles du droit international. L’argument selon lequel Israël est le seul État démocratique du Proche Orient et défend légitimement son existence est recevable, mais ne justifie pas la disproportion de la répression, qui va alimenter la haine pendant des décennies. La question est profondément morale. Le drapeau israélien dressé devant la synagogue de la paix de Strasbourg, près du fronton où s’affiche la magnifique citation inspirée du prophète Zacharie « Plus fort que le glaive est mon esprit » nous interpelle : le gouvernement d’un pays qui se réclame explicitement du judaïsme peut-il moralement répondre aux horreurs du Hamas par une répression démesurée, si bien que la loi du talion n’est même plus respectée ? Notre devoir est d’interpeller nos soeurs et frères juifs, héritiers d’un message universel porté par le peuple de la promesse. Non en donneurs de leçons, mais en solidarité et exhortation fraternelle. Le voyage qu’Emmanuelle Seyboldt et moi ferons à Jérusalem au mois de juillet, sur l’invitation de l’Évêque luthérien Sani Azar, est prévu dans cet esprit. Le forum Israël-Palestine que nous préparons pour avril 2025 avec l’ACO dans le cadre de la CPLR a le même objectif : permettre à nos communautés de mieux comprendre les enjeux de cet interminable conflit, et pouvoir l’aborder avec le moins d’anathèmes et de préjugés possibles.

J’en viens alors à l’évocation sous forme de survol des 10 années que j’ai passées à la présidence du conseil de l’UEPAL.

2. 2014-2024 : Dix ans de présidence

2.1 Une aventure collective dans une décennie affectée par une actualité difficile

Je m’étais présenté aux suffrages du Consistoire Supérieur et du Conseil Plénier avec une vision et des priorités, mais sans prétendre porter un programme qui ne pouvait être que le fruit d’un travail collectif. Un président seul n’est rien sans l’intelligence collective des instances de gouvernance qui l’entourent : Directoire, Conseil de l’Union, Consistoire Supérieur et Assemblée de l’Union, CA et AG de l’ESP, Chapitre de Saint-Thomas. Sans nier les difficultés et les tensions qui ont existé, je suis profondément reconnaissant pour le climat de confiance qui a régné et nous a permis d’avancer en cohérence et en solidarité. J’exprime ma sincère gratitude à tous les membres de ces instances, en particulier les laïcs qui ont pris sur leur temps libre ou leur temps de travail pour être au service de l’Église. Mais un président ne peut pas davantage assumer ses responsabilités sans ses collaboratrices et collaborateurs au quotidien. Je tiens dès cet instant à les remercier chaleureusement, en particulier Frédérique Klingeberger, qui va entamer son 5ème président, ainsi que les directeurs, Alain Spielewoy, Lysiane Collon Bender et Marc Urban, les responsables de service et les membres de leurs équipes que je ne peux nommer toutes et tous.

Cette décennie 2014-2024 aura été marquée par toutes sortes de catastrophes :

  • Attentats de Charlie et du Bataclan en 2015 et du marché de Noël en 2018,
  • Irruption brutale du COVID qui a gravement affecté durant près de deux ans notre santé, notre vie quotidienne et nos solidarités, avec l’interdiction des cultes, des visites aux malades et des obsèques.
  • Déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022
  • Attentats du Hamas et guerre à Gaza depuis octobre 2023.

Nous sommes restés solidaires dans ces épreuves, qui ont suscité beaucoup de belles initiatives, encore d’actualité : la pandémie nous a obligés à être créatifs pour maintenir les liens, donnant naissance par exemple au calendrier de l’Avent et aux Parenthèses de Carême en ligne, ainsi qu’aux célébrations œcuméniques télévisées du Vendredi Saint et de Noël dont le succès ne se dément pas. Le conflit en Ukraine s’est traduit par l’accueil de réfugiés, comme cela avait été le cas pour la Syrie, avec une bonne collaboration entre la FEP et l’UEPAL. Ce même conflit et celui de Gaza se sont traduits par une grande générosité des membres de nos paroisses pour le soutien à des initiative concrètes sur le terrain, à travers le Gustav Adolf Werk pour l’Ukraine et l’Église anglicane pour son hôpital à Gaza.

2.2. Les grands dossiers

« Les orientations stratégiques pour l’UEPAL dans la décennie à venir (2015-2025) » ont été adoptées par votre assemblée en novembre 2014. C’était une première dans l’UEPAL, et je l’ai proposé parce qu’à une époque de profonde remise en question de la place de l’Église dans un contexte de sécularisation accélérée, il nous fallait définir ensemble un cap. Ces orientations ont constitué notre cadre de référence pendant la décennie écoulée, mais il a fallu y inscrire des formes et des couleurs pour que le tableau soit vivant et signifiant. Un bilan devra être fait, mais plusieurs des priorités ont été mises en oeuvre : beaucoup d’énergie a été consacrée à la formation et à la transmission de la foi, de nouveaux ministères ont été créés, la solidarité sectorielle et la mutualisation des ressources se sont développées.

En juin 2016, nous avons validé « Les fondamentaux de la catéchèse en UEPAL » et « le projet éducatif jeunesse de l’UEPAL » qui définit les priorités et les articulations de la petite enfance aux jeunes adultes. Ces fondamentaux constituent jusqu’à aujourd’hui la base de travail du service de la catéchèse, de celui de l’enseignement religieux protestant, de la Dynamique Jeunesse et de l’aumônerie en lycée et à l’université.

A l’automne de cette même année, nous avons adopté « Les Orientations prioritaires pour la justice climatique », avec comme visées l’exemplarité, la formation et le plaidoyer. Cette thématique s’ancre profondément dans la théologie biblique de la création, et elle se vit en solidarité œcuménique et interreligieuse : beaucoup d’entre vous se souviennent sans doute de la marche transfrontalière et œcuménique de Kehl à Metz, en passant par une halte au Conseil de l’Europe à Strasbourg, en novembre 2015, à l’occasion de la COP 21. Nos orientations nous ont conduits à mettre en place un chargé de mission pour accompagner des initiatives locales. Beaucoup reste à faire, mais la prise de conscience de notre responsabilité chrétienne pour la justice climatique progresse. Le colloque « Terres d’Églises » qui s’est tenu à Hœrdt en avril dernier, en a été une belle illustration.

En 2019, nous avons repris la question de la bénédiction des couples mariés de même sexe qui avait déjà été en débat lors de la première Assemblée de l’Union de mon mandat, en juin 2014. L’excellent travail biblique qui avait été fait à cette occasion ne nous a pas permis d’aboutir à un consensus, tant les interprétations des Écritures pouvaient être divergentes en pareille matière. C’est en choisissant l’angle d’approche de la communion que nous avons pu aboutir en 2019 : le fait d’avoir des opinions différentes sur un tel sujet signifie-t-il rupture de communion ? En UEPAL, nous avons estimé que non, nous inscrivant en cela dans la méthode préconisée par la Fédération Luthérienne Mondiale sur les sujets difficiles, dite « processus d’Emmaüs » : nous pouvons être en désaccord mais rester en dialogue en nous laissant accompagner par le Christ, qui toujours à nouveau nous questionne et nous interpelle. La bénédiction est désormais possible, mais elle n’est pas imposée à ceux qui s’y refusent pour clause de conscience.

En 2020, nous avons défini le cadre de six ministères particuliers : aumônier, prédicateur·trice, diacre, animateur·trice communautaire, assistant·e pastoral·e, évangéliste. Ce cadre a donné lieu à des dispositions concrètes de mise en œuvre. Depuis 2022, ce sont 42 ministres particuliers qui ont été ou vont être reconnus. Nous rendons grâces !

2021 a été l’année où nous avons remis au cœur de nos priorités l’évangélisation, l’annonce de la Bonne Nouvelle, seule raison d’être de l’Église, au cœur de tous nos engagements.

J’ajoute en novembre 2023 le colloque sur « Le protestantisme et les pasteurs alsaciens-mosellans entre 1940 et 1945 ». C’est une démarche de vérité qui me tenait particulièrement à cœur, même si le colloque n’a été qu’une première étape. Son succès a été réel à en juger par le très grand nombre de participants. Les Actes devraient être publiés cet automne.

2.3 Des réalisations concrètes et des projets d’avenir

A mon arrivée, j’ai trouvé au Quai St-Thomas des services actifs, mais sans organigramme, autrement dit presque personne ne savait de qui il dépendait, les personnes travaillaient sans cahier des charges et sans entretien professionnel annuel. Un audit extérieur, mené en parallèle dans les services du Chapitre, a permis de clarifier la situation, avec la mise en place d’une Direction des Ressources Humaines chargée de l’ensemble du personnel pastoral et laïc, d’une Direction Générale des Services de l’UEPAL, et d’un Directeur salarié du Chapitre, responsabilité exercée jusque-là par un chanoine bénévole retraité. La nouvelle organisation fonctionne depuis 2015, avec des aménagements introduits au fil du temps.

Deux belles réalisations diaconales ont pu être mises en œuvre :

  • la Maison protestante de la solidarité à Strasbourg, inaugurée en 2016, regroupe rue Brûlée la SEMIS, le CSP, la CIMADE et CASAS. Une véritable ruche que je vous invite à visiter à l’occasion : en plein cœur du Carré d’Or du commerce de luxe de Strasbourg sont accueillies des personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou dans le besoin.
  • La résidence Sara Banzet à Mundolsheim, du nom de l’inventrice des « poêles à tricoter », premières écoles maternelles au monde, créées au Ban de la Roche sous l’égide du Pasteur Oberlin. Cette résidence, réalisée par le Chapitre de Saint-Thomas, accueille 38 personnes, jeunes en insertion professionnelle et seniors en difficulté, avec le pari d’une solidarité intergénérationnelle.

J’ajoute à ces réalisations la Chapelle de la Rencontre au port du Rhin, projet ecclésial transfrontalier entièrement bilingue, avec une forte dimension diaconale. Parmi les lieux en devenir, il faut aussi mentionner aussi les centres paroissiaux construits dans les années 60 dans les périphéries des grandes villes, dont la population et la sociologie ont complètement changé. Ces lieux à vocation diaconale ou culturelle innovante sont à réinventer en lien avec les municipalités.

Dans un autre registre, je mentionne la réalisation de la statue d’Albert Schweitzer sur la place Saint-Thomas à Strasbourg, dont la modestie n’aurait pas déplu au prix Nobel de la paix : assis sur la margelle de la fontaine sur laquelle figurent en 13 langues les termes de « Respect de la vie« , le fondement de son éthique universelle, il fait quotidiennement l’objet de dizaines de selfies, dont on peut espérer qu’ils susciteront réflexion ou interrogation sur son message.

2.4. La joie de la communion à travers des événements festifs

Au milieu de tous les sujets difficiles, il nous a aussi été donné de vivre de beaux événements, comme « Protestants en fête » en 2017, l’événement national pour les 500 ans de la Réforme, initialement prévu à Lyon et organisé pour le compte de la FPF. Les journées d’Église de 2019 pour dire merci aux acteurs d’Église et de 2023 pour conclure l’année Bucer, ont aussi été de belles occasions de rencontre et de communion, sans parler des rassemblements régionaux, notamment transfrontaliers, et les spectacles et créations, qui ont émaillé la décennie.

C’est dans la joie aussi que nous avons accueilli en dix ans 38 nouveaux pasteurs et 42 ministres particuliers.

2.5. L’UEPAL dans l’Église universelle

La tentation pour nos Églises d’Alsace pourrait être de vivre en vase clos, en cultivant nos particularités régionales, culturelles et confessionnelles. Ce serait une erreur, et dans les faits, les contacts sont permanents et concrets avec nos Églises soeurs du Palatinat et du pays de Bade. Ces liens se vivent aussi très concrètement au sein de la Conférence des Églises Riveraines du Rhin (CERR) que j’ai présidée pendant 10 ans. La CERR est depuis 2008 groupe régional de la Communion d’Églises Protestantes en Europe (CEPE) qui unit 95 Églises protestantes dans toute l’Europe. J’ai eu la joie de siéger au conseil de la CEPE depuis l’assemblée de Bâle en 2018 jusqu’à celle de Sibiu en Roumanie qui se tiendra fin août 2024. Fondée sur la Concorde de Leuenberg, la CEPE réalise un remarquable travail de réflexion sur des sujets éthiques aussi bien que théologiques. Elle est depuis novembre 2023 accréditée comme ONG internationale auprès du Conseil de l’Europe.

L’expérience du Conseil de la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM) où j’ai siégé durant le mandat qui courait de l’assemblée de Windhoek en 2017 à celle de Cracovie en 2023, a été très enrichissante. L’Alsace n’était plus présente à Genève depuis le mandat de Michel Hoeffel interrompu par son accident de santé en 1991. Les assemblées mondiales, les conseils et les rassemblements régionaux par continent constituent une extraordinaire mosaïque de cultures et de traditions ecclésiales. La FLM, présente dans 99 pays, accompagne à travers son Département d’Entraide Mondiale, 2,5 M de personnes exilées en lien avec le HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés). Elle a été en pointe dans le domaine de la place des femmes et des jeunes dans toutes ses instances de gouvernance, et participe activement à la lutte contre les violences faites aux femmes.

2.6. Ce qui n’a pas pu être fait

Parmi les chantiers qui n’ont pas abouti, j’en citerai deux : la réforme de la solidarité financière et la refondation institutionnelle.

Concernant la solidarité financière, j’avais lancé en 2018 une réflexion pour aller de l’égalité, garantie par le règlement intérieur de l’ESP, à l’équité. Le projet de réforme des contributions des paroisses n’a pas abouti, d’une part parce que les « riches » sont peu partageurs par nature, et d’autre part parce que cette richesse est difficile à définir, notamment lorsqu’il y a un patrimoine qui exige de lourds investissements. Compte tenu des difficultés croissantes de nombreuses paroisses pour honorer leur contribution de solidarité, et des résultats désormais déficitaires de l’ESP, cette question devra impérativement être reprise.

Le projet de refondation institutionnelle avait été lancé en 2021 au regard des difficultés structurelles induites par la construction inachevée de l’Union en 2006. Nous avons fait le constat que le chantier s’était arrêté au gros œuvre et qu’il manquait de nombreux éléments de second œuvre qui auraient pu garantir un meilleur confort dans la maison. Ceci aurait pu se faire par voie de règlement intérieur validé par le Bureau des Cultes. L’absence de volonté partagée dans ce sens n’a pas permis d’avancer pour simplifier et rendre plus lisible et efficace l’appareil institutionnel mis en place en 2006.

3. Et maintenant ? Les défis et les promesses

Dans un contexte de sécularisation et d’analphabétisme religieux croissants, le sentiment de lassitude, avec l’épuisement des ressources humaines et financières, va sans doute encore s’accroître dans beaucoup de paroisses et de secteurs. Mais il existe toujours beaucoup de bonnes volontés qu’il faudra savoir mobiliser, moins sur des fonctionnements institutionnels que sur des projets. Les pasteur·e·s, dont le nombre a diminué de 20 % en 10 ans, devront faire l’objet d’une attention particulière, tant pour leur formation initiale que pour leur accompagnement dans la durée. Il en va de même pour les ministres particuliers : ils sont une chance pour l’Église, mais leurs parcours vont bousculer nos organisations et nos habitudes.

De nombreux changements de personnes vont intervenir dans les prochains mois, tant à la direction d’Église que dans les territoires. C’est une chance et une opportunité pour introduire les changements nécessaires, à travers les chantiers que j’ai rappelés plus haut : définition des nouvelles orientations prioritaires, réforme de la solidarité financière, refondation pour renforcer l’Union, voire évoluer vers une Église unie que la voie juridique du règlement intérieur n’exclut pas.

Pour ma part, je rends grâces pour ces 10 années durant lesquelles j’ai essayé de donner le meilleur de moi-même au service de l’Église. Je l’ai fait en tant que laïque, et je voudrais émettre le vœu que nous continuions d’aller vers une Église du « sacerdoce universel des baptisés » où chaque membre du peuple de Dieu (le « laos ») trouve sa place. Ce n’est pas sans émotion que je conclus mon propos avec mon verset de confirmation, en Luc 12,48 : « À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a confié beaucoup, on demandera encore plus. » J’ai longtemps trouvé que le pasteur qui m’a confirmé m’avait imposé un lourd fardeau devant Dieu : on demandera beaucoup, on demandera encore plus… Mais au fil des années, j’ai compris que j’ai beaucoup reçu, que l’on m’a beaucoup donné, que tout est don et grâce, et que nous ne pouvons que partager un peu de ce qui nous a été confié.

Christian Albecker

Christian Albecker, président de l'UEPAL

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