Ces deux mains dressées comme une voûte d’ogive rappellent en effet l’architecture des cathédrales. Rodin était un passionné d’art gothique, cet art qui a permis aux édifices de prendre de la hauteur et de laisser passer la lumière. Ces mains évoquent donc quelque chose qui est de l’ordre de l’élévation spirituelle. On pourrait penser au geste de la prière. Mais attention ! Ce sont deux mains droites, les mains de deux personnes différentes ! Il s’agit donc plutôt d’une allégorie de la fraternité. Ce qui est intéressant ici, c’est que ces deux mains ont l’air de délimiter, de préserver un espace entre elles, un espace où il n’y a rien. Et si je vous disais qu’avant de l’appeler « La Cathédrale », Rodin avait appelé son œuvre « L’Arche d’Alliance » ? Ce vide que protègent les mains serait alors le Saint des Saints, l’espace le plus sacré du Temple, le lieu de la Présence divine… Dans cette œuvre, Rodin semble dire que la fraternité ne peut exister que si elle est reliée à une idée de transcendance, à une réalité qui nous dépasse. Que la fraternité est possible quand on laisse Dieu se glisser entre nous, quand on lui laisse une place, la place du Père qui fait de nous des frères. Ces deux mains qui se cherchent et qui s’élèvent dans la même direction nous invitent peut-être aussi à faire confiance à la capacité de coopération dont nous sommes aussi capables, notamment en ces temps de doute envers l’action politique. Une dernière remarque : l’artiste a laissé intentionnellement sur la sculpture des traces de burin…signe que la Création est encore en marche. Ces mains seraient alors une parabole du travail qui reste à réaliser, travail qui peut sembler par moments bien incertain, mais si nous restons unis en Jésus-Christ, nous pouvons construire de belles choses ensemble.
Eva Clapies