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L'auteur Christian Albecker

Ancien président de l'UEPAL

Thème de la réflexion : Politique

Démocratie, immigration et amour

La nouvelle année qui commence ne s’annonce pas sous des auspices meilleurs que celles qui l’ont précédées.

Il est inutile d’énumérer les motifs d’inquiétude que les médias égrènent jour après jour : violences sur notre territoire, guerres en Ukraine et en Israël-Palestine, crise climatique, … Il nous faut cependant distinguer le catastrophisme qui nous conduit à la résignation, voire à l’indifférence – et en tous cas à l’inaction –, de la vigilance qui doit nous aider à garder les yeux ouverts et à agir quand c’est possible et nécessaire. L’un des sujets sur lesquels notre vigilance de chrétiens et de citoyens devra s’exercer en 2024 est la démocratie. Nous sentons bien que partout dans le monde ce pilier de notre vie politique et sociale est menacé. Comme toujours dans ce cas, celles et ceux qui s’y attaquent se fondent sur la peur, qui conduit au rejet de la différence et à l’instrumentalisation de l’étranger. L’immigration s’est ainsi imposée comme un thème politique majeur, alors que les questions de chômage ou de pauvreté passent à l’arrière-plan de l’agenda politique.

Le parlement de notre propre pays vient de voter une nouvelle loi – une de plus ! – sur la question de l’immigration. Elle fait à juste titre l’objet de vives critiques, car la question ne saurait être traitée valablement qu’à l’échelon européen. Dans une vision étroitement hexagonale, elle veut rendre l’accès de notre territoire plus difficile, alors que nous savons bien que les besoins de main d’œuvre de notre économie ne sauraient se passer de l’apport des immigrés. Les visées de cette loi sont bien sûr politiques pour ne pas dire politiciennes, en vue de rallier au gouvernement les électeurs de droite et d’extrême droite. Mais les électeurs préfèrent généralement l’original à la copie : les élections européennes seront à cet égard un test décisif. Notre Europe démocratique et sociale, malgré ses défauts et ses limites, mérite tout notre soutien de chrétiens et de citoyens, car elle a permis une période de paix et de prospérité sans précédent.

Le spectre du retour de Donald Trump aux affaires en novembre prochain n’est pas non plus à exclure. Sa vulgarité n’a rien à envier à celle du nouveau président argentin Milei qui traitait le pape François de « gauchiste fils de p… ». L’élection de tels histrions ne mériterait pas mieux que le mépris, si elle n’était pas l’expression d’un électorat prêt à suivre le premier bateleur venu, un électorat « qui se lâche » et n’accorde plus de crédit à sa classe politique traditionnelle ni à ses institutions représentatives. En janvier 1933, l’arrivée au pouvoir en Allemagne du petit caporal à la moustache suscitait aussi le mépris des classes dirigeantes : un an plus tard, tout était en place pour la plus grande catastrophe du 20e siècle.

C’est dans ce contexte que nous est proposé le mot d’ordre pour 2024 : « Tout ce que vous faites, faites-le par amour » I Corinthiens 16,14. Une première lecture rapide de cette recommandation de l’apôtre Paul pourrait nous laisser croire à une invitation à cultiver notre « entre-soi », puisqu’il l’adresse à la paroisse de Corinthe : il est vrai que si l’amour était le moteur de toutes nos actions et interactions en Église, ce serait déjà pas mal… Mais je plaide pour une compréhension plus large de notre mot d’ordre, qui nous renvoie par exemple au Psaume 85 : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ». L’amour est bien plus qu’un sentiment, il s’inscrit, s’il est cet « agapè », cet amour désintéressé mentionné par Paul, dans le même registre que la vérité, la justice et la paix ; il mobilise donc l’intelligence pour la recherche de la vérité, la volonté pour réaliser la justice et le courage pour construire la paix. Un vrai programme politique, en somme…

 

Photo Frederic Köberl / Unsplash

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