Chères sœurs et frères,
La tonalité générale des vœux échangés en ce début d’année tourne beaucoup autour de la volonté d’oublier au plus vite l’année 2020 et ses difficultés. Un slogan anglais disait même : « 2020, the worst year ever ! », 2020, la pire année de tous les temps ! Pareil slogan est proprement ahurissant, et constitue un indice supplémentaire du fait que notre société occidentale a décidément du mal à accepter sa fragilité et à renoncer à son fantasme de toute puissance. En effet, comment peut-on dire que 2020 a été pire que les années 40 du siècle dernier, ou les années 1919-1920 lorsque la grippe espagnole a tué 50 millions de personnes ? Nous avons décidément la mémoire courte ! 2020 a certes été une année difficile, avec son cortège de deuils, de difficultés sociales et politiques, mais elle a aussi permis de vivre de belles et bonnes choses, la solidarité, l’attention aux autres, de nouvelles manières de communiquer, …bref, elle aura aussi été l’occasion de sujets de reconnaissance.
Mais de même qu’il ne faudrait pas être ingrat par rapport à ce que 2020 nous aura apporté, il ne faut pas être naïf par rapport à ce que 2021 nous réservera ! Le plus dur reste sans doute à venir, en matière de pandémie et de restrictions, même si nous disposons déjà d’un vaccin mis au point en un temps record, mais surtout en matière de conséquences économiques et sociales, dont les plus vulnérables de notre société, en particulier les jeunes, feront les frais. 2021 risque donc de n’être pas meilleure que 2020. Comme personnes et comme citoyens, cette perspective peut raisonnablement nous inquiéter. Comme chrétiens, elle ne devrait pas nous bouleverser. Non pas que les chrétiens seraient insensibles aux souffrances et aux convulsions du monde, bien au contraire ! Mais les chrétiens savent que notre condition humaine est fragile et incertaine, et que le mal et la mort en font partie. Ce qui devrait nous porter en tant que chrétiens, c’est la conviction que le mal et la mort n’auront pas le dernier mot, et que si nous le voulons, nous pouvons d’ores et déjà les faire reculer.
Une dame m’écrivait récemment « Je crois que le bon Dieu nous a abandonnés » (ce sont ses mots). Je lui ai répondu que je crois que c’est plutôt nous qui l’avons abandonné, et que la plupart des dérèglements dont souffrent l’humanité résultent de notre folie consumériste, de la surexploitation de la planète et des injustices qui en résultent. Oui, notre avenir est incertain, c’est ce que nous avons découvert ou redécouvert. Mais Noël que nous venons de fêter nous montre à quel point la naissance de Jésus, pour nous lumière et salut du monde, s’était déjà produite dans un contexte incertain, marqué par l’exclusion et la violence. Malgré cela, le regard de quelques bergers en marge de la société avait été capable de reconnaître dans cet événement insignifiant et dans l’avenir incertain de cet enfant, une réelle promesse de vie. Sachons donc garder le regard des bergers pour nous émerveiller de tous les germes de vie, de bonté et de solidarité qui nous permettent d’avancer.
Le mot d’ordre de cette année nous invite à être miséricordieux, non pas par performance morale, mais parce que Dieu lui-même est miséricordieux. Être miséricordieux, ce n’est pas cultiver un état d’âme qui nous conduirait seulement à compatir avec celles et ceux qui souffrent, c’est engager son cœur, c’est-à-dire toute sa volonté, sa personne et son action au service de celles et ceux qui souffrent. S’engager parce que Dieu lui-même s’est engagé, de cœur et de corps, en Jésus-Christ, à Noël et le Vendredi Saint, au service de l’humanité qu’il aime.
Pour les chrétiens donc, souhaiter une bonne année, c’est rappeler que Dieu s’est engagé à nos côtés en Jésus-Christ, qu’il est fidèle à sa promesse de vie et nous invite à notre tour à nous engager au service de la miséricorde. Je vous souhaite à toutes et à tous, dans vos ministères et vos engagements au service de l’Église et du prochain, une année bénie, une année où notre miséricorde sera le reflet de celle de Dieu en Jésus-Christ.
Bonne année 2021, à vous et à tous ceux qui vous sont chers !
Christian Albecker,
Président de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine