Le Magnificat pour trois voix « sur une basse obligée » H.73 de Marc-Antoine Charpentier (1643 – 1704) se distingue par sa forme particulière. Il met en musique le fameux Cantique de Marie (Luc 1,46-56) ou Magnificat avec une basse jouant obstinément le motif descendant sol – fa – mi – ré en tout 89 fois (!). C’est une sorte de chaconne ou suite de variations sur le motif de basse. Charpentier se montre très inventif dans ce cadre contraint : ainsi « mon âme exalte le Seigneur » et « Gloire au Père et au Fils » portent des fioritures exubérantes, alors que l’humble servante est soulignée par un motif descendant. « Dispersit superbos » est rendu littéralement par des accords staccato. D’élégantes ritournelles instrumentales aèrent le mouvement.
La basse obstinée descendante sol – fa – mi – ré est employée par les Italiens essentiellement dans les lamentos, pour pleurer la perte d’un être cher notamment. Ici, cette basse de lamento si présente et si structurante, souligne d’une part la dynamique inexorable de l’incarnation, la réalisation du plan de Dieu, qu’aucune force ne peut arrêter. D’autre part, elle souligne le dépouillement total de Dieu qui devient homme, autrement dit la kénose.
Mon âme exalte le Seigneur,
Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur,
Parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante.
Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse,
Parce que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Son nom est saint,
et sa miséricorde s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
Il a déployé la force de son bras ;
il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses.
Il a renversé les puissants de leurs trônes,
et il a élevé les humbles.
Il a rassasié de biens les affamés,
et il a renvoyé les riches à vide.
Il a secouru Israël, son serviteur,
et il s’est souvenu de sa miséricorde,
Comme il l’avait dit à nos pères,
envers Abraham et sa postérité pour toujours.
A écouter, à voir : Charpentier: H 73. Magnificat – Lesne, Loonen, Fauché (Christie)
Avec
Gérard Lesne, contre-ténor
Bernard Loonen, ténor
François Fauché, basse
Les Arts Florissants
William Christie, direction
